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Spécial Brussels Film Festival 2011

Interview de Julie Gavras


Julie Gavras a marqué les esprits avec La faute à Fidel ! et revient cette année avec Late Bloomers, où elle se permet, excusez du peu, de filmer William Hurt et Isabella Rossellini sur une comédie sur l’âge et la difficulté à l’assumer.

Julie Gavras est une femme curieuse et charmante qui nous a accordé une interview captivante où nous parlerons aussi bien des agents de stars, que de sa famille, de ses inspirations ou de quelques anecdotes autour du film. Elle finira aussi par nous glisser quelques mots sur son « peut-être » futur projet de long-métrage. Il me semble aussi important de signaler que le film sort ce mercredi en Belgique.

Pour la critique du film par Matthieu :

https://www.lebourlingueurdu.net/2011/06/22/special-bff-trois-fois-20-ans-de-julie-gavras/

Bonjour, je me présente tout d’abord : Loïc du Bourlingueur du Net. Créé il y a quelques années et regroupant des étudiants, des passionnés, des stagiaires, etc. qui couvrent bénévolement festivals de cinéma, de musique,…. se déplacent dans les théâtres, critiquent films ou albums sortis dernièrement. Essentiellement en Belgique et peu à peu, en France.

La question traditionnelle est : quelle utilisation d’internet avez-vous ?

J’ai une utilisation très … classique : les mails, les infos sur internet, les journaux quand je n’ai pas le temps de les acheter en papier (mais je les achète encore en papier !) et Twitter.

Vous avez votre propre Twitter ?

Non je n’ai pas mon propre Twitter, en tout cas, actif. Car il faut avoir son Twitter pour pouvoir s’abonner à d’autres. Je me suis abonnée à plusieurs Twitter à travers le monde, comme celui du New York Times, De Guardian, … car ce sont des journaux que je n’ai pas le temps de lire tout le temps. Je suis aussi abonnée aux Twitter d’amis … C’est plus pour collecter un réseau international. Je ne pense pas être abonnée à un Twitter français.

J’ai souvenir aussi d’Elie Chouraqui qui utilisait internet en permanence pour dénicher les différentes informations culturelles, envoyer ses scénarios, retrouver le nom de professionnels du cinéma, etc.

Non, car je vais au théâtre, je vois beaucoup de films.

Nous sommes aussi un média belge, donc, qu’est-ce pour vous la Belgique ? A quoi pensez-vous quand l’on vous dit « Belgique » ?

Je connaissais Bruxelles, car j’ai un ami parisien qui s’est installé ici, il y a 15 ans, donc, je suis venu le voir assez souvent. Il a créé une famille, il a trois enfants, qui ont l’accent … etc. (rires) Sinon, plus récemment, on a fait toute la post-production ici : le montage son, l’étalonnage, … à part la majorité du mixage que l’on a fait en France.

Et pourquoi en Belgique ?

Je ne sais pas, il faudrait demander au producteur. Par contre, j’ai beaucoup aimé venir ici, car j’ai rencontré un monteur son belge extraordinaire avec qui je veux travailler à chaque fois maintenant.

Repassons au film maintenant, donc Late Bloomers. Une question me taraudait : comment fait-on, quand on tourne en France pour faire venir deux grosses pointures hollywoodiennes comme Isabella Rossellini et William Hurt ?

Il faut oser, comme souvent. J’ai découvert Isabella, dans le cadre du festival « Les 4 Ecrans » à Paris où elle présentait ces courts-métrages : les Green Porno, où elle est déguisée en insecte, avec des juste-au-corps. Par là, elle m’a montré qu’elle avait une grande aisance avec son corps, qu’elle n’avait peur du ridicule. Du coup, je savais que ce serait plus facile de parler de l’âge avec elle, ce qui est un point délicat avec les comédiennes. Elle est passée à Paris, donc, et j’ai mis la main sur son mail grâce aux organisateurs du festival et je lui ai envoyé un mail lui disant que j’avais écrit ce scénario, qu’il existait en anglais, que la Gaumont co-produisait, lui demandant si cela l’intéressait, etc.

A-t-elle accepté tout de suite ?

Il se trouve qu’elle revenait à Paris deux semaines plus tard. Je l’ai donc rencontrée, je lui ai passé le scénario et le DVD de mon premier film et une semaine après, elle me disait oui !

Par contre, pour William Hurt, on est passé par la voie classique, mais par son agent anglais car le problème des agents américains, c’est qu’ils ont une sensibilité très différente : ils veulent mettre leurs acteurs dans des séries connues, dans ce qui va être visible et qui va rapporter. D’ailleurs William m’a expliqué que la raison pour laquelle il a pris un agent anglais. Il lui est arrivé souvent de rater des films européens à cause de son agent, et non parce qu’il n’avait pas envie de le faire. Avec son agent anglais, ça a été plus rapide. Il a lu le scénario. Comme le nom d’Isabella y était déjà attaché, ça a simplifié les choses aussi. Et puis pour des gens comme Simon Callow (Shakespeare in love, 4 Mariages et un Enterrement, etc.) ou Joanna Lumley (Absolutely Fabulous) qui jouent Richard et Charlotte dans le film : l’histoire leur plaisait, leurs personnages sont super, mais ça les intéressait aussi de jouer avec Isabella et William. Les choses se sont donc enchaînées un peu plus vite.

Donc trouver des acteurs principaux connus fait avancer plus vite les choses ?

Oui, mais après il y a aussi le sujet. C’est un sujet qui n’est pas beaucoup traité. Moi, les films que j’ai vus sur le sujet, car du coup, j’en ai vus beaucoup, sont souvent des mélos ou alors des comédies sur les vieux râleurs ou ceux qui sont traités comme des adolescents attardés. Mais traités comme une comédie, j’aurais la prétention de dire, intelligente, en essayant de ne pas être trop lourdingue, c’était assez nouveau. Et comme ce sont des acteurs qui arrivent à cet âge-là et que ce sont des gens qui n’ont pas spécialement envie de le cacher, le film les intéressait.

Cela permet aussi à ces grands acteurs de retrouver des grands rôles, plutôt que les apparitions proposées ?

Oui et non. Isabelle dit qu ‘une carrière, ça s’arrête à 40 ans et ça reprend vers 55-60 ans, mais qu’à ce moment-là, on vous fait faire la mère de l’héroïne.

Sinon, vous ne pensez pas que certains se diront : « Moi j’ai 25 ans, je ne vois pas pourquoi j’irais voir un film avec des soixantenaires ! » ?

Pour être très honnête, au début, on ne pensait pas du tout au public de 25 ans. 25 ans, c’est un peu l’obsession dans le cinéma pour le moment.

Oui, bien sûr, maintenant j’ai pris l’exemple de la génération des jeunes de 25 ans car on est un média composé de journalistes généralement étudiants ou de cet âge là.

Bien sûr. Donc au début, les producteurs se sont dit que l’on n’allait pas cibler le film sur une génération particulière, encore moins sur les jeunes de 25 ans. Maintenant, de plus en plus, j’ai des retours de personnages de cet âge-là qui voient le film et disent que ça leur fait penser à leurs parents. Et donc, oui cela les intéresse ! Ils ne voient pas le film de la même façon mais, plutôt du point de vue du jeune fils qui, dans le film, a justement 25 ans.

Benjamin, c’est ça ? C’est aussi le nom de votre frère ?

Non pas du tout. En fait, dans le dossier de presse, cela a été mal expliqué. Le prénom vient juste d’un truc de scénariste flemmard. Comme c’est le benjamin, on l’a appelé Benjamin ! (Rires)

Je regardais ce que vous aviez fait auparavant ; vous vous attardez toujours sur des générations bien ciblées. Quelle est pour l’importance d’aller à chaque fois vers des « générations » ?

Je dirais que, quand on raconte une histoire, on parle de son vécu mais on parle un peu derrière un personnage. Plus il a l’air loin de vous, plus c’est facile d’y mettre plein de choses. Que se soit une fille de 9 ans (La Faute à Fidel !, ndla) ou une femme qui approche la soixantaine dans cette histoire, finalement c’est presque la même histoire. Ce sont deux personnes qui se retrouvent face à un grand bouleversement dans leur univers et qui essayent de chercher des solutions pour retrouver leur place. Dans le cas de la petite fille du premier film, elle voit sa vie complètement changer par l’engagement politique de ses parents, qui sont des bourgeois vivant dans une grande maison à Paris et qui, du jour au lendemain  s’engagent pour le Chili, vivent dans un petit appartement, … Dans le cas de Marie, dans Late Bloomers, elle se retrouve, un peu du jour au lendemain, en train de se rendre compte que tout autour d’elle lui montre qu’elle rentre dans le troisième âge, même si elle en a pas envie, elle se demande comment faire !

D’accord. Mais comment avez-vous trouvé l’inspiration de parler de personnes âgées, alors que vous êtes quand même assez jeune ?

Mais non ! Ce ne sont pas des personnes âgées ! (Rires) Je rigole bien sûr. Mais je trouve qu’il y aurait un mot à trouver pour les gens qui sont entre 50 et 65-70 ans aujourd’hui parce qu’ils n’ont rien à voir, même avec ceux de la génération d’avant. Ils ne veulent pas être dans une catégorie « seniors ». Ce sont juste des adultes.

Evidemment. Mais ce que je voulais dire c’est comment vous avez trouvé l’inspiration pour ce film alors que vous ne connaissez pas encore ces problèmes de l’âge ?

Ca a commencé il y a à peu près une dizaine d’années. Mon père avait réalisé Amen et a fait le tour du monde avec ce film. Et à chaque fois qu’il allait dans un pays, on faisait une rétrospective de toute son œuvre. J’ai toujours trouvé la situation absolument comique : entre lui qui pense que faire un film qui a autant de succès lui permettra d’en faire d’autres (penser au futur), alors qu’à chaque fois on lui disait regarder votre dernier grand beau film et revoyons tous les grands beaux films  que vous avez fait avant. Et cette espèce d’opposition, lui qui justement arrivée à la petite soixantaine à l’époque, m’avait vraiment frappée. Les gens n’étaient pas malintentionnés. Voilà un peu la première scène du film. On vous félicite pour votre œuvre et après c’est un peu « du balai ». Quand on vous donne un prix pour l’ensemble de votre œuvre, c’est un peu « laisse la place au suivant ».

En parlant de votre père et de votre frère qui sont tous les deux réalisateurs, comment ça se passe ? Quand vous vous voyez, vous échangez des conseils ? Car j’ai vu par exemple, que vous avez travaillé avec un des compositeurs qui avait travaillé avec votre père : Armand Amar.

C’est plus des trucs de sensibilité ou de gens que l’on aime bien. Mais je suppose que c’est comme quand une famille de notaires ou de médecins mange ensemble. Je ne sais pas si on échange des conseils ou si on s’échange les cas de figures que l’on a rencontrés chacun de notre côté.

Pour terminer, on va aborder la question un peu bateau mais pourtant essentielle : quels sont vos futurs projets ?

En fait, je trouve ça très difficile (j’avais déjà observé cela pour mon premier film), de vraiment me lancer dans un autre projet, tant que celui en cours n’est pas déjà sorti. Car la sortie d’un film, c’est vraiment le moment où il ne vous appartient plus du tout. De plus, il n’y a pas longtemps que je l’ai vraiment fini. J’ai fini de le fabriquer vraiment fin janvier. Donc je commence seulement à faire des recherches pour un autre projet : ça fait trois mois que je me renseigne, que je viens à Bruxelles, à Strasbourg, pour voir comment fonctionnent les institutions européennes.

Bon Courage !

Non non ce n’est pas si compliqué que ça. Mais je dois voir s’il y a vraiment quelque chose à faire sur le sujet. Mais vous voyez c’est très vague. Et puis, peut être que dans trois mois, on se recroisera et je vous dirai finalement, que non, j’en ai eu marre et que j’ai trouvé un autre projet.

Plus vers la comédie ?

Oui, je pense !

Vous préférez la comédie au reste ?

En fait, je trouve que l’on arrive à faire passer beaucoup plus de choses par la comédie et que les gens ne s’en rendent pas forcément compte. Je pense que les gens n’aiment plus beaucoup avoir l’impression qu’on leur donne des leçons.

Et puis, le public suivra plus si on lui propose une comédie sur un sujet difficile, qu’un drame ? Comme il a envie de rire et de se divertir, il va se tourner plus vers ce genre de films ?

Oui, c’est vrai. Et puis c’est aussi ce qui n’a pas encore été fait dans ma famille ! Donc j’ai pris mon style à moi. (Rires) Bon, Romain, c’est une forme de comédie où tout le monde ne rit pas, mais moi ça me fait beaucoup rire.

Rigoler aux éclats ? Peut-être pas mais il y a, c’est vrai, une certaine ironie …

Pas le même genre d’ironie, mais oui, c’est cela.

Et bien, un grand merci beaucoup pour cette interview.

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