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Dis-nous quelque chose à ton propos ? Qui es-tu ?

Un avocat reconverti dans l’écriture. Avec aujourd’hui un métier qui fait chic : journaliste. Mais j’ai des amis dentistes et je les trouve plus heureux que moi.

A quel âge as-tu commencé à écrire ?

Après avoir vu “20 000 lieux sous les mers” au cinéma, à 8 ans. De retour chez moi, j’ai soudainement eu la furieuse envie d’écrire un texte sur une histoire de sous-marin pris dans les “griffes” (c’était le terme exact) d’une pieuvre géante. Et comme j’avais une passion pour les raz-de-marée, j’ai “upgradé” le scénario originel de Jules Verne avec une course poursuite entre le sous-marin et une très grosse vague.

Te souviens-tu encore de tes premiers textes ? Que sont-ils devenus ?

En plus de ce best-seller “20 000 lieux sous les mer”, je m’étais lancé très tôt dans les “Livres dont on est le héros”, sans doute parce que j’aimais bien écrire, mais j’aimais encore plus les chiffres : le fait d’écrire “si vous ouvrez la porte de droite allez au chapitre 39” me remplissait de joie. Ces textes sont en partie dans mes cartons, je les conserve de déménagement en déménagement, parce qu’ils crédibilisent mon parcours de romancier : “tu vois, j’écrivais déjà à 8 ans”. Et puis, sexuellement, c’est une arme efficace.

L’écriture est-elle une profession pour toi ? Quelles sont tes autres passions ?

J’aurais aimé en faire une profession de foi, mais deux obstacles s’y opposent :
1. J’aime bien gagner ma vie et l’écriture ne me rapporte pas tellement.
2. J’ai peur de rester chez moi toute la journée, j’ai besoin de me trouver une vie sociale avec une machine à café et des gens qui m’envoient des fax.

Mes autres passions :
– les voitures (j’ai pris un prêt à la banque pour en acheter une, mais à force d’hésiter entre les marques et les modèles aux terrasses des restaurants, ça y est, je n’ai plus d’argent).
– Les émissions télé sur les catastrophes naturelles (surtout les raz-de-marée, en ce moment je n’ai pas à me plaindre)
– La cigarette
– La solitude (donc, les jeux vidéos)

Ce roman se démarque radicalement de tes précédents. Quelle mouche t’a piqué ?

Mon défi : retrouver dans mon roman, les émotions ressenties en regardant les films de David Lynch, poétique, planant, inquiétant, esthétique. Perdre le lecteur dans un univers qu’il ne maîtrise pas, pas plus que l’auteur, mais le tenir rigoureusement jusqu’à la dernière page.

Et puis j’avais une passion pour le Gumball, une course auto sur route ouverte, au milieu de la circulation, pour people désoeuvrés, qui n’hésitent pas à mettre en danger la vie du plus grand nombre. A force de regarder sur Youtube leurs vidéos de dépassements stratosphériques sur autoroute, j’ai fait le plein d’inspiration.

Peux-tu résumer « Trois jours à tuer » en trois mots ?

Schyzophrénie double embrayage

Peux-tu donner trois bonnes raisons de lire ce roman brillant ?

– Découvrir des paysages sublimes de bord de route et s’essayer au tourisme à 320 km/h.
– Trouver enfin une intrigue ardue, pour tous ceux qui ont estimés « Lost Highway » et « Mulholland Drive » un peu trop limpides.
– S’essayer à l’amour fou avec un pervers narcissique, pénalement répréhensible depuis ses 3 ans.

Peux-tu donner trois bonnes raisons de ne pas lire ce roman énervant ?

– Aucun personnage féminin fort (donc invendable).
– Une empreinte carbone très élevée des personnages.
– Si Bob, le double du père de Laura Palmer dans « Twin Peaks » ne vous a pas fait peur.

Ce livre offre une vision jouissive et acérée de la nature humaine, rare dans les thrillers. Tu écris : « Il existe des métiers qu’on exerce toute sa vie sans que cela ne serve à rien… » et cite parmi d’autres exemples celui de « femme politique d’extrême gauche », ce qui en plus d’être vrai est super drôle. Et le métier d’écrivain, tu en penses quoi ?

Disons qu’il y a un décalage énorme entre « l’écrivain » fantasmé par le public féminin de 17 à 77 ans : seul sur un pic rocheux face à la mer en train de communier avec l’univers et d’écrire l’universel et puis, « l’écrivain » dans son quotidien : à l’argumentaire aiguisé comme un vendeur d’aspirateur dans les salons du livre et vivant souvent au crochet de son bailleur admiratif et d’un restaurateur conciliant. En fait, les deux « écrivains » sont le plus souvent utiles à eux-mêmes. Servir au reste de la société leur effleure moins l’esprit.

Tu écris : « Etretat est le lieu de suicide le plus visité par les familles nombreuses ». Et toi, qu’est-ce que tu fais pour les vacances ?

L’Italie pour la mozzarella et conduire des Fiat 500 de location. Et, dans 10 ans, quand j’aurais enfin assez de miles sur ma carte american express, un aller-retour en business class pour la côte ouest américaine.

Sinon, oui, Etretat est une bonne option pour se suicider. Ce sera alors les « grandes vacances ».

Ce thriller écrit par un auteur comme toi ressemble à un attentat littéraire en plein quartier Saint-Germain. C’est du même ordre que si Woody Allen filmait un « Fast and furious ». Aujourd’hui, comment te situes-tu par rapport au petit monde littéraire ?

Je ne fréquente plus du tout le « petit monde littéraire ». De toutes façons, n’ayant jamais vraiment eu de « poids » dans ce milieu (à part une chronique littéraire sur une chaîne du câble pendant 3 ans, c’est maigre), je n’ai pas réussi à y tisser « d’amitiés fortes ». J’ai plutôt des amis « non écrivains », avec lesquels je peux dîner, partir en vacances, ou me marier, sans me demander ce qui va m’être demandé en échange. C’est reposant.

Dans l’ensemble, je suis assez mauvais pour les « réseaux ».

As-tu des auteurs favoris ?

Easton Ellis, Djian, Houellebecq, Irving, Kundera.

Envisages-tu un « quatrième jour à tuer » ?

Cela deviendrait trop biblique.

Ce roman étrange, drôle, violent, furieux, bipolaire, fantastique et jubilatoire est aussi énigmatique. Peux-tu donner plus d’indices aux lecteurs de polars qui aiment que les choses soient carrées et les dossiers bouclés ?

Le héros au carré forme un angle droit avec sa moitié. Avec des lunettes 3D, le livre se comprend donc beaucoup mieux.

Selon toi, « La sécurité d’un rêve autorise toutes les audaces, mais la vraie vie fait un peu plus peur ». De quoi as-tu peur dans la vraie vie ?

Du passé, du présent et de mon avenir immédiat. La seule chose qui me rassure est un futur lointain où je serai auteur de best-sellers, secrétaire général de l’ONU et capitaine d’industrie. Avec une femme divorcée et trois filles qui m’adulent. Bref, j’ai le temps d’avoir peur.

Pour le plaisir, je citerai un passage parmi tant d’autres qui reflètent la qualité de l’écriture et le non politiquement correct de ce livre-bolide :

« Les radars automatiques ne seront plus efficaces au delà de 180 miles à l’heure, nos bolides se transformeront en tableau impressionniste sur les clichés. Des formes oblongues, évanescentes, plein phares mais sans signature, qui tapisseront les murs des commissariats et stimuleront la bre artistique des fonctionnaires à képi sans remplir les caisses de l’Etat ».

Comme mots de la fin, tu peux nous citer un autre extrait pour faire saliverceux qui ne t’ont pas encore lu ?

« De Gaulle, Roosevelt, Churchill, Mandela, Edith Piaf, toutes ces semi-vedettes avaient leurs habitudes à la Mamounia. Et c’est avec une réelle émotion que le Palace accueille enfin sa première Star. Maximillion Cooper laisse les clés de sa Bugatti au voiturier, il glisse sur le marbre du hall, prend le temps de tapoter affectueusement la joue du concierge, passe une main sereine dans les cheveux du directeur agenouillé et descend au restaurant. Ses semelles s’enfoncent profondément dans la moquette, chaque pas fait prendre une valeur inouïe à l’escalier, les mains des acteurs américains moulées dans le goudron d’Hollywood Boulevard n’ont l’air de rien maintenant. Le mâle ultime vient de redessiner la géographie du show business mondial, c’est à Marrakech que le public va user ses pellicules photos sur les marches d’un hôtel ».

Pourquoi l’écriture ?

Un trop plein d’imagination et d’angoisses qu’il faut bien calmer.

Quel est ton auteur de polar préféré ?

Bashung.

Quel est ton auteur de littérature générale préféré ?

Djian.

Quel est ton roman de polar préféré ?

American Psycho ?

Quel est ton roman hors polar préféré ?

Maudit Manège.

Quel est ton film préféré ?

Mulholland Drive.

Quel livre d’un autre auteur aurais-tu désiré avoir écrit ?

Quand j’étais enfant : « Un capitaine de 15 ans » de Jules Vernes
A 20 ans : « Les Princes d’Ambres » de Zelazny
Aujourd’hui : « American Psycho »

Quels sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?

« La carte et le territoire » de Michel Houellebecq.
« Manuel de Savoir vivre à l’usage des jeunes filles » de Jules Gassot.
« Un léger passage à vide » de Nicolas Rey.

Quel est ton principal trait de caractère ?

Confus.

Qu’est-ce qui t’énerve ?

Les fils et filles de…

Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?

La musique.

Quel est ton rêve de bonheur ?

J’aspire au même bonheur que les rappeurs californiens : plein de grosses baraques, des voitures puissantes, des piscines + une énorme reconnaissante intellectuelle de mon travail.

Par quoi es-tu fasciné ?

La scène finale de Sailor and Lula.

Tes héros dans la vie réelle ?

Le peuple syrien.
Les pompiers et les médecins du SAMU.
Les femmes de chambre.
Sarkozy pendant la crise financière.

Si tu rencontrais le génie de la lampe, quels voeux formulerais-tu ?

– Que le PNB par habitant quadruple en France. Mais que je sois toujours un peu plus riche que la moyenne pour entrer en premier dans les avions.
– Qu’un bon dixième de l’espèce féminine ne jure que par moi
– Que le constructeur Bugatti m’offre une Veyron, parce que je l’ai tout de même bien mise en valeur dans ce livre.

Si tu avais la possibilité d’utiliser la machine à voyager dans le temps, à quelle époque irais-tu ?

A l’apogée de l’Empire romain, mais si je suis empereur.

Ta vie est-elle à l’image de ce que tu espérais ?

J’espérais être coiffeur à 7 ans, pompier à 9, et pilote de chasse une bonne partie de mon adolescence. A l’âge adulte j’oscille entre cosmonaute et maître du monde (celui qui ramène la paix partout). Donc non, j’ai pas mal raté, en tout cas pris du retard.

Cites-nous 5 choses qui te plaisent.

Les jolies femmes.
Ma jolie fiancée.
Les King Crab du Café Bourbon derrière l’assemblée nationale.
Réussir à courir une heure sans être fatigué.
Avoir des coups de fils où l’on me propose des boulots sympas, bien payés et socialement gratifiants.

Cinq choses qui te déplaisent

L’oligarchie des fils et filles de…
Les éditos des magazines féminins.
Les gens qui font grève pour les régimes spéciaux de retraite.
La démocratie où n’importe quelle andouille a le même droit de vote que moi.
La monogamie.

Le premier livre aimé ?

« Un capitaine de 15 ans » de Jules Verne

Une illustration qui t’a marqué ?

« Barbara hotesse de l’air » dans la BD du même nom.

Une lecture que tes parents t’ont interdite ?

Je lisais tellement peu à l’adolescence que ma mère aurait été mal inspirée de m’arracher un livre des mains.

Une description effrrayante que tu n’oublieras jamais ?

Le « fatal crash » de Gordon Smiley aux 500 miles d’Indianapolis en 1982. Bon, il était question de cervelle sur la piste.

Un livre dont tu aimerais écrire la suite ?

Que s’est-il vraiment passé dans la chambre 2086 du Sofitel.

Ton personnage de fiction préféré ?

Bob de « Twin Peaks ».

Es-tu présent dans le livre d’un autre ?

Oui, je suis un baby-sitter qui drague une grande sœur dans « Courir à 30 ans » de Nicolas Rey. Je suis aussi cité dans un roman de Tristane Banon (mais je n’ai pas encore été convoqué pour l’enquête).

Quelle œuvre classique n’as-tu pas aimée ?

« Les Fleurs du mal » de Baudelaire parce que j’ai eu 7 au bac. Mais sinon, j’aimais bien quand même.

Quel est le dernier livre que tu as offert ?

Le mien, bien sûr. Hé, ho, ça va, on en est tous là.

Que ne lis-tu jamais ?

Des biographies de chanteuse.

Le texte absolu, à tes yeux, et pourquoi ?

« Le Petit livre rouge »de Mao : preuve qu’on peut écouler des millions d’exemplaires d’une œuvre, sans grand effort littéraire.

Tes projets ?

Reprendre le footing et trouver plus d’employeurs pour louer une deuxième pièce.

Propos recueillis par Marc Bailly

Pour lire la critique de son dernier livre, c’est ici

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