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katell-quillevere-j-essaie-de-faire-le-grand-ecart-entre-maurice-pialat-et-douglas-sirk,M111220Rencontre avec la réalisatrice Katell Quillévéré pour la sortie de « Suzanne« , son second long métrage.

 

« Comment on appréhende le fait de faire l’ouverture de la semaine de la critique à Cannes ? »

« Quand on apprend que le film fera l’ouverture, c’est un soulagement.
La période où  tu attends les résultats de Cannes est vraiment une période horrible quand tu es réalisateur et que tu viens à peine de finir ton film. Moi je l’ai vraiment fini deux jours avant la projection donc tu es encore complètement dedans. Tu n’as aucun recul et en même temps tu es jugé par toutes les sélections, tu entends des rumeurs de gens qui te disent :‘’Ils on aimés, pas aimés’’, on te dit : ‘’Ah oui il va aller là, en fait non, il va aller dans telle sélection’’ … C’est une espèce de chaise musicale super angoissante  parce que tout le monde veut que tu y sois, tous les gens qui ont bossé avec toi comme le distributeur ou le producteur.
C’est un enjeu énorme pour un film et donc quand on te dit : ‘’C’est bon ! On y est’’, c’est juste un grand soulagement.
Après tu commences à stresser en te disant : ‘’Ok, comment ça va se passer ?’’ … Parce que c’est une chance énorme d’être à Cannes mais ça peut complètement casser un film, tout dépend de l’accueil ».

« Mais l’accueil a été bon en l’occurrence ».

« Là oui, cela s’est très bien passé, j’ai eu beaucoup de chance. Le fait de faire l’ouverture de la semaine de la critique c’est une super place car tu n’es pas dans la sélection la plus prestigieuse donc quelque part, tu es un peu protégé. Justement, on ne va pas regarder ton film en se disant : ‘’Est-ce que le film mérite d’être là ?’’ Il y a quelque chose d’un peu plus bienveillant et en même temps, tu as quand même une excellente exposition ».

« On le sait le cinéma ne serait rien sans les maquilleurs qui apparemment dans ce film ont été mis à dure épreuve, avez vous porté un soin particulier à cet aspect de la profession ? »

« Oui, on a beaucoup travaillé en amont. Déjà pour imaginer l’évolution du personnage (vieillissement de François Damiens). Pour ça on a principalement travaillé à partir de photographies, pour essayer d’imaginer à quoi ressemblerait le personnage au début du film et comment il vieillirait. Le budget rentre aussi beaucoup en compte car c’est extrêmement cher. Les perruques, c’est vraiment du travail d’orfèvre ».

« Le maquillage de François Damiens prenait 2h30 si je ne me trompe pas».

« Oui, le maquillage et la coiffure lui prenait entre 2h30 et 3h par jour. Juste une perruque c’est 3 semaines voire un mois de travail et François en a 4 ou 5 différentes dans le film donc il faut imaginer cette évolution.
Ce travail demande plein d’étapes, plein d’essais. C’est pareil pour les prothèses  parce qu’il faut mouler le visage, fabriquer chaque pièce de chaque partie du visage, dessiner les rides…
En fait c’est une anticipation du vieillissement de la personne et c’est ça qui est drôle pour l’acteur car il se voit tel qu’il va potentiellement être plus tard, c’est une drôle d’expérience ».

« Lui l’a bien vécu ? » 

Oui, oui. Il n’avait qu’un fantasme, c’était de rentrer chez lui avec les prothèses et les perruques. (rires)
Il y avait également  les taches de vieillissement qu’il a sur les mains, rien que faire une main c’est déjà une demie heure, Il se levait super tôt. A la fin du tournage, il se levait très très tôt mais dormait pendant qu’on le maquillait. (rires) »

« Leonard Cohen vous a redonné l’inspiration de l’écriture de ce long métrage, quel place occupe-t-il dans ce film ? »

« C’est grâce à lui que j’ai trouvé le titre du film. J’ai été à l’un de ses concerts lors du début de l’écriture. Le concert était tellement puissant, tellement beau que j’ai appelé le personnage ‘’Suzanne’’. Quand tu écoutes cette chanson, tu as du mal à comprendre le personnage, c’est mystérieux, et il y a également ce côté là dans le personnage du film. C’est une fille qui ne pourra jamais totalement comprendre mais que tu as tout de même envie de suivre.
À vrai dire, je suis allé voir ce concert au moment où le tournage de mon film précédent a été annulé, donc un moment assez violent et du coup, ce concert m’a redonné l’énergie nécessaire. Les jours suivants j’ai commencé à écrire le film ‘’Suzanne’’ ».

« Comment avez-vous réussi à construire un personnage aussi fort sans tomber dans le cliché de la femme du bandit qui s’enfuit avec lui ? »

« C’est  toujours difficile d’expliquer comment, mais c’est vrai qu’assez vite, alors que j’avais lu beaucoup de témoignages  sur des cavales entre deux amants criminels, on a décidé, avec Mariette Désert, ma coscénariste, de ne pas filmer ça, cela ne devait pas être le cœur du film. Surtout car il y a déjà eu beaucoup  de films là-dessus et que je ne voyais pas tellement comment renouveler le style.
Je voulais principalement raconter l’histoire de ceux qui restent, ceux qui subissent la disparition de Suzanne. C’est comme ça que les personnages secondaires sont arrivés (le père, la sœur, l’enfant). En partant dans cette direction, le film a trouvé son originalité et est devenu une histoire d’amour en même temps qu’une histoire de famille. Ça a créé un récit moins attendu ».

« Comment s’est passé le tournage avec Sara ? »

« Avec Sara, notre direction pour interpréter Suzanne c’était surtout la retenue et la pudeur. On ne voulait pas que cette histoire, potentiellement chargée de drames, tombe dans le pathos.
Pour laisser de la place au spectateur, il fallait retenir les choses. Il fallait également que Sara prenne en charge des situations très violentes, c’est pour ça qu’elle dit que le rôle était lourd à porter. C’est vrai que pour qu’un acteur endosse des  situations aussi intenses, il doit aller chercher des choses en soi relativement dures.
Surtout  pour quelqu’un comme Sara qui ne se met pas de limites et qui se donne à 100%, c’est forcément difficile d’en sortir, ça coûte quelque chose d’aller chercher à ces endroits là ».

« Plusieurs nominations, plusieurs prix… Des espoirs pour un prix majeur ? »

« Évidemment je ne fais pas des films pour avoir des prix. Et puis il en a quand même eu d’assez beaux pour l’instant, le prix ELLE en France, le prix de l’Académie des Beaux-arts et également quelques prix dans des festivals étrangers. Je trouve ça déjà énorme.
Après il y aura les César en février, on verra bien ce n’est jamais gagné, surtout qu’il y a beaucoup de films cette année. Mais je suis déjà très heureuse de ce qui est arrivé jusque-là, je suis assez comblée ».

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SUZANNE de Katell Quillévéré
Avec Sara Forestier, François Damiens, Corinne Masiero
Actuellement en salles

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