Le nom de Sébastien Thiéry évoque vaguement quelque chose pour vous ? Cela n’est pas étonnant, cet auteur-acteur est un « touche-à-tout » qui a su saisir les opportunités qui se sont offertes à lui ces dernières années. En effet, cela fait un peu plus de 10 ans que sa carrière cinématographique a démarré dans des films d’un certain Alain Chabat ou d’un Gérard Jugnot avant de se retrouver dans des téléfilms qui n’ont pas vraiment marqués les esprits. Suite à cet échec, il va se lancer dans l’écriture de deux pièces de théâtre qui auront un succès modéré certes, mais qui lui apporteront une touche de bonheur et de satisfaction. Le monde de la télévision va néanmoins le rappeler à lui, où il écrira en 2 ans plus de 300 épisodes de Chez maman et sera le complice de caméras cachées pour l’émission de Stéphane Bern La vie de Sébastien Thiéry.
En 2007, il retournera enfin à ses amours d’antan… Monsieur Schmitt était né !
Qui est Monsieur Schmitt ? nous parachute dans le salon de Monsieur et Madame Bélier, un couple de français bourgeois à priori sans histoire et somme toute un peu cliché. La sonnerie du téléphone retentit, alors qu’ils n’y sont pas abonnés, et brise le silence de ce repas mais par la même occasion le fil tranquille de leur vie.
« Puis-je parler à Monsieur Schmitt ? » Mais qui est ce Monsieur Schmitt ? En voilà une bonne question… Ce n’est pas la seule que va nous proposer cette pièce, mais il s’agit là tout de même de la clef.
Les Bélier sont alors précipités dans un tourbillon de questions sans réponse toutes aussi farfelues les unes que les autres : qui est ce chien sur la toile du salon ? Pourquoi mes clefs n’ouvrent-elles pas la porte de mon propre appartement ? Est-ce bien mon appartement ? Qui a bien pu faire installer ce téléphone ?
Il faut bien admettre que la situation est cocasse, vais-je même dire absurde. Cette fantaisie que Sébastien Thiéry a insufflé dès le départ de l’histoire et qui va transporter le spectateur de question en question est sa marque de fabrique que les acteurs ne font que sublimer grâce à leurs talents conjugués.
Le couple formé par Alain Leempoel (M. Bélier/Schmitt) et Marie-Paule Kumps (Mme Bélier/Schmitt) possède une dynamique complémentaire qui portera la pièce à bout de bras jusqu’au rideau final.
Monsieur Bélier est le maître de maison par excellence, il est droit et rigide, cartésien jusqu’au bout des ongles, il lui faut une réponse à tout. A partir du moment où le doute va s’insinuer dans son esprit, il perdra petit à petit les commandes de son monde. La transition est subtile mais certaine. Le jeu d’acteur d’Alain Leempoel est à saluer, toujours sur le fil entre folie et drôlerie, le spectateur ne peut que compatir à la douleur de cet homme. M. Bélier tentera de convaincre un policier luxembourgeois à la gâchette facile et un psychiatre qu’il est Monsieur Schmitt ou… Monsieur Schmitt qui essaie de s’approprier la vie de M.Bélier… on en perd ses repères !
Marie-Paule Kumps, qui lui donne la réplique, est parfaite dans ce rôle de femme d’intérieur, un peu effacée, à la voix caractéristique et dotée d’un tel effet comique. Elle cherchera à aider son mari dans les nœuds de cette histoire avec une naïveté légère qui aérera nos neurones bien sollicités pour démêler cet imbroglio d’évènements incohérents. Sa prestation est à souligner, à la fois subtile, drôle et touchante
Nos deux autres compères, le policier et le psychiatre, tiennent des rôles plus restreints mais néanmoins brillants dans leurs interprétations qui se veulent plus caricaturales que logiques.
Un petit regret sur le jeu d’acteur de Térence Rion qui interprète le fils Schmitt. Sa prestation n’est pas à la hauteur de ses quatre collègues.
Cartésiens s’abstenir… Qui est Monsieur Schmitt ? s’inscrit dans la lignée de ces pièces absurdes et irrationnelles. Il y a un nombre incalculable de questions qui trouvent ou non une réponse, logique ou non. La lecture de cette pièce est multiple et parfois tout aussi irrationnelle que son écriture. Sébastien Thiéry, avec cette pièce, nous offre un moment d’évasion et de distraction agréable mais également une réflexion sans fin qui pourrait bien ne pas plaire à tout le monde. Si vous êtes prêts à lâcher prise et à vous laisser porter par le cours de la rivière au lieu de lutter pour la remonter tel un saumon vous sortirez du Théatre des Galeries enchanté.
Dagnelie Maïté