Prenez un décor religieux des plus minimaliste: Quelques chaises, un pupitre, un prie-dieu, un simili d’orgue et un crucifix. Placez-y 5 excellents comédiens, qui campent des personnages exubérants , caricaturaux, stéréotypés, mais tellement irrésistibles de truculence qu’on le leur pardonne volontiers. À savoir :
– André (Jean-François Breuer): prêtre déprimé par les infidélités dominicales de ses fidèles, noyant ses deux foi(e)s dans un trop plein de vin de messe pour oublier le vide de son église. Bien décidé à raccrocher les goupillons, il va être interpellé par le big boss céleste, qui va lui parler avec un accent québécois si prononcé, que le public n’en croit pas ses cieux .
– Jean-paul (Xavier Elsen): Un Sacristain aussi dévoué que benêt ( il fait la grève de la faim tout en mangeant des twix pour éviter un malaise ),au faciès de mister Bean, et à la gestuelle aussi désordonnée que drôlatique, particulièrement lors de la scène de prêche improbable où il invoque starwars et le pouvoir de la force pour convaincre les paroissiens égarés.
– Judith (Amélie Saye): la jolie organiste, secrètement amoureuse d’André, et qui ne déteste pas jouer des airs peu catholiques, de type Dr Alban, lorsqu’elle se laisse emporter.– Agnes (Julie Roisin) : La soeur, forte en gueule, qui aime bien « le concept de dieu », mais n’y croit pas plus que ça, et qui pense, que l’église doit faire son plan com marketing. – Spoutch (Françoise Villiers): La soeur Polonaise venant de l’Est, s’exprimant uniquement par le mot « pantalon », décliné sur tous les tons, et dotée d’un bouille de cerbère , et d’une attitude corporelle qui n’est pas sans rappeler celle de John Clesse des Monty Python.
Puis vous saupoudrez le tout de bonnes répliques, de quelques réflexions bien senties sur la désertification des ouailles dans les églises. Vous ajoutez une bonne pincée de comédie musicale, façon Sister Act, rythmée par le fameux tube «Le lion est mort ce soir» (popularisé par Henri Salvador) , et vous obtenez « Délivre-nous du mal »une pièce délicieusement irrévérencieuse sur la déliquescence du catholicisme,son archaïsme face à une société qui ne respecte qu’une seule religion , celle de la communication, et le tout mené à un rythme d’enfer, par des comédiens hilarants et diablement inspirés par leurs personnages. Certes, on pourrait regretter qu’avec une tel thème, le sujet ne soit pas plus habilement traité, mais on s’amuse tellement, les gesticulations et situations sont si drôles et communicatives, les chorégraphies si loufoques et décalées, qu’il faudrait vraiment être de « mauvaise foi » pour bouder notre plaisir.
Arnaud Toulon